Shintoïsme : quelques bases

Religion en tout point étrangère à ce que nous connaissons en occident, le shintoïsme s’appuie sur des objets, des lieux, des officiants et des cérémonies qu’il faut apprendre à décrypter.

Les objets

Shimenawa : Cette corde sacrée est réalisée par la torsion et le tressage de gauche à droite de paille de riz. Il sert à délimiter le sacré du profane : souvent, il enserre les arbres sacrés, délimite l’entrée d’un sanctuaire ou d’un lieu particulier. Quand il entoure un arbre ou un rocher, c’est pour marquer le territoire des dieux. Il arrive également qu’il permette de joindre deux arbres ou deux rochers qui sont alors considérés comme « mariés ». Il est également souvent orné de shide (voir plus bas). Le tressage, souvent hélicoïdal (en double hélice), est réalisé par des artisans ou par les prêtres du temple eux-même. Tout le monde peut tresser un shimenawa, il n’y a ni technique ni code particulier, à condition d’avoir suivi un rituel de purification shinto.

Futamigaora, les rochers mariés de la préfecture d’Oita, reliés par un long shimenawa

Les plus gros shimenawa exigent la participation conjointe de plusieurs personnes comme celui du sanctuaire d’Izumo, dans la préfecture de Shimane : c’est le plus gros shimenawa du japon, 13,5 mètres de long et 4,5 tonnes ! Tous les 6 à 8 ans, le shimenawa est remplacé par un nouveau : l’ancien, devenu noirci par la poussière et les intempéries à rempli son devoir et piégé les mauvais esprits.

Le gigantesque shimenawa de l’Izumo Taisha

Tamagushi : Littéralement, « la baguette de joyaux« . C’est une offrande réalisée avec une branche de sakaki, un arbre japonais, et décorée de shide (voir plus bas) en papier, en soie ou en coton. Traditionnellement, on offre un ou plusieurs tamagushi aux dieux lors de différentes occasions : le mariages, les enterrements, le miyamairi (voir plus bas) et d’autres cérémonies. Début juin, j’ai pu assister à une cérémonie dans un petit sanctuaire de campagne destiné à s’apporter la bienveillance des kami, juste avant d’aller planter du riz. Les deux propriétaires des rizières où nous allions repiquer notre riz quelques instants plus tard ont été invités par la prêtresse à déposer un tamagushi chacun sur l’autel destiné aux offrandes.

Epais tamagushi ornant le sommet d’un char du Gion Matsuri

Gohei : Objet destiné aux dieux, il est constitué de deux shide (voir plus bas) fixés à une baguette de purification en bambou. Dans certains temples, on trouve leur forme plus ancienne : des vêtements de tissus précieux pliés et présentés en offrande.

Gohei utilisé par un prêtre lors d’une cérémonie à l’Itsukushima-jinja

Shide : C’est une banderole de papier plié en forme d’éclair. Souvent attaché à un shimenawa, à un tamagushi ou tout simplement à un objet sacré, ils sont utilisés dans tous les rituels shinto. Ce sont des shide qui ornent les Haraegushi (voir ci-dessous). A la fois lien et barrière entre le monde des hommes et le monde spirituel, il est destiné à repousser les esprits malveillants, c’est un objet présent dans les temples mais également autour des terrains à bâtir, sur le pas de la porte des maisons ou sur les objets nouvellement acquis (les voitures par exemple). La manière de plier le shide diffère selon les sanctuaires mais il a toujours cette forme de zigzag : souvent réalisé avec du papier blanc on en trouve parfois réalisé avec du papier doré ou argenté.

Haraegushi : littéralement « baguette de foudre« , c’est une longue baguette de bois ou de bambou ornée de dizaines de shide. L’objet n’est pas sans rappeler les cerisiers pleureurs qui fleurissent au printemps le longs de certaines rivières japonaises. Pendant les cérémonies, le prêtre agite le haraegushi au dessus d’une personne, d’un objet ou devant un bâtiment, une rizière… pour le purifier. Le geste doit être lent mais suffisamment sec pour qu’à chaque ondulation, le papier émette un léger bruissement. Selon les croyances shinto, ce son est agréable aux oreilles des kami et permet de les garder en éveil, attentifs aux prières des hommes.

Les cérémonies

Miyamairi : Littéralement « la visite au sanctuaire ». C’est une cérémonie qui ressemble au baptême chrétien. Un mois environ après la naissance (31 jours pour les garçons et 33 pour les filles), les parents, les frères et sœurs et parfois les grands parents vont présenter leur enfant au sanctuaire pour exprimer leur gratitude envers les kamis. A cette occasion, le prêtre adresse une prière aux dieux pour demander leur bienveillance et leur protection envers le nouveau né. A la fin de la cérémonie, les membres présents partagent un saké servi dans une coupe de bois rouge. Croiser une telle cérémonie dans les couloirs d’un temple est souvent l’occasion d’admirer les superbes costumes que chacun revêt pour l’occasion : même les bébés sont emmitouflés dans le longs kimonos colorés.
Contrairement au baptême chrétien, cette cérémonie est payante entre 5000 et 10000 Yens selon les sanctuaires. Ce prix est en réalité considéré comme une offrande au sanctuaire, lequel offre prière et protection en remerciement.

Shinzen shiki, le mariage shinto : Littéralement « la cérémonie devant les divinités ». Comme en France, le mariage civil doit précéder le mariage religieux. Réalisé par un prêtre shinto assisté de miko, la cérémonie vise à purifier les époux devant les dieux. Le moment crucial de la cérémonie est le sakazuki no miki, l’échange de coupe de saké entre les époux. L’époux boit la première en trois gorgées, l’épouse boit la seconde, toujours en trois gorgées et l’époux boit la troisième, encore en trois gorgées. Ce chiffre de trois coupes est très important : la première représente le passé et les ancêtres, la deuxième le présent et la dernière le futur que les époux vont construire ensemble. Le chiffre 9 (3 coupes x 3 gorgées), est également le chiffre qui attire le plus de chance et de bonheur.
Traditionnellement, il n’y a pas d’échange d’alliance dans la tradition shinto mais aujourd’hui, il est permis aux époux d’échanger des alliances pendant la cérémonie pour marquer leur mariage aux yeux du monde, en plus de le sceller aux yeux des dieux.

Un couple au Meiji Jingu de Tokyo

A cette occasion, les habits sont également très codifiés, surtout ceux de la mariée. Elle porte un kimono blanc aux manches très longues appelé shiromuku. La mariée portera également une coiffe en forme de coquille d’œuf fendue – le watoboshi – sous laquelle elle est coiffée d’un chignon paré de nombreux ornements. Aujourd’hui, toutes les femmes ne portent pas forcement les cheveux suffisamment long pour réaliser cette coiffure et il n’est pas rare que les épouses portent une perruque. Maquillée de blanc, les lèvre rehaussées de rouge vif, la mariée complète sa tenue par un long manteau blanc – uchikake – qui doit toucher le sol et des sandales blanches, les zori.

Cérémonie de mariage au Ktohira-gu


L’époux, lui, porte un hakama, un pantalon plissé et une veste – montsuki – souvent noire, gris ou bleu nuit qui se ferme avec deux cordelettes blanches et un pompon, le haori himo. Les deux époux ont souvent en main un éventail, soit blanc, soit doré et argenté, le sensu.

Un gentil couple dans le jardin Suizen-ji de Matsumoto

A l’issu du mariage shinto, la mariée revêt un autre manteau, coloré et richement brodé pour le reste des festivités en famille. Ces kimonos coûtent cher et il n’est pas rare qu’ils restent pendant plusieurs génération dans la famille. Quand la famille n’en possède pas, ils sont souvent loués ou achetés d’occasion : les kimono de mariage pour femme, neufs, coûtent souvent une petite fortune. Dans certaines maisons, les kimono de mariage sont même exposé sur de grandes structures en bois. En voyage au Japon, certains hôtes sur AirBnb vous permettrons sans doute d’en passer un pour quelques photos et l’impression de vivre une expérience particulière.

Les lieux

Torii : Littéralement « Là où sont les oiseaux ». Portail traditionnel, il marque la limite entre le monde profane et le monde spirituel. Souvent érigé en bois ou en pierre, beaucoup plus rarement en métal, il peut être peint d’une vive couleur vermillon. Véritable porte mystique, tout torii traversé pour entrer dans un sanctuaire doit être retraversé dans l’autre sens à la sortie pour retourner au monde matériel des hommes. Dans certains temples, les torii peuvent être alignés pour former de véritables couloirs comme au Fushimi-Inari de Kyoto ou au Motonosumi Inari près de Nagato. Le plus grand torii du Japon se trouve dans la préfecture de Wakayama, entouré de rizières, près du Kumano Hongu Taisha.

Le grand torii de pierre du Kumano Hongu Taisha

Honden : Littéralement « bâtiment principal ». Cet espace est exclusivement destiné à l’usage de la divinité abritée dans le sanctuaire. Il abrite généralement un miroir ou une statue ainsi que le go-shintai – le corps sacré du kami – une représentation symbolique de la divinité. Situé à l’arrière du sanctuaire, au centre de l’enceinte, il est légèrement surélevé par rapport au reste des construction et souvent protégé d’une barrière de bois, le tamagaki. Généralement fermé au grand public, on en ouvre les portes lors de festivals religieux et les prêtres eux-même n’y pénètre que pour les rituels.

Chozuya : Dans ce pavillon d’ablution, souvent de taille modeste mais qui peut être vaste dans les plus grands sanctuaires, les fidèles viennent se purifier avant de prier. Plus d’informations sur mon article dédié ici (clic, clic).

Kagura-den : Sur cette estrade considérée comme un palais, qui n’est pas présente dans tous les sanctuaires, on effectue une danse rituelle du même nom, kagura. Cette danse et la musique qui y est jouée sont destinées au kami. A l’origine, ces scènes étaient démontées à la fin de la représentation mais certaines sont désormais permanentes. On y célèbre parfois des mariages ou des représentations de théâtre no.

Emakake : Sur ces structures en bois, les fidèles peuvent venir accrocher les ema, des plaques votives sur lesquelles on écrit ses souhaits ou ses remerciements à l’attention du kami.

Komainu : chien-ours gardien des temples. Plus d’informations sur mon article dédié ici (clic, clic).

Les officiants

Kannushi : Littéralement « le maître dieu« . C’est un prêtre, responsable de l’entretient du lieu et du culte. Ils sont des intermédiaire entre les dieux et les hommes. Longtemps, le kannushi a été considéré comme un homme capable de réaliser des miracles, un homme rendu saint par sa pratique quotidienne des rituels de purification. Aujourd’hui, le terme a évolué et le kannushi est ‘simplement’ celui qui travaille dans un temple et qui y exécute les rituels. Contrairement aux prêtres catholiques, les prêtres shinto peuvent se marier et avoir des enfants. Souvent, les enfants héritent de la position et des fonctions de leur père mais pour être officiellement kannushi, il faut soit suivre une formation dans une université approuvée par l’Association des Sanctuaires Shinto, soit réussir un examen qui atteste de ses connaissances.

Autre différence notable, les femmes peuvent devenir kannushi et il est fréquent que les veuves de prêtres succèdent à leur mari dans leurs fonctions. En fonction des cérémonies ou du rang du prêtre, ses vêtements peuvent évoluer, plus ou moins élaborés, plus ou moins colorés. Des vêtements autrefois utilisés à la cour impériale : un héritage qui atteste de la relation étroite entre la figure de l’empereur et le culte des dieux shinto. On notera essentiellement leurs socques de bois laqué, les asagutsu, et leur bonnet, eboshi, qu’ils ne revêtent que pour les rituels. Lors de certaines cérémonies, notamment les cérémonies de mariage, les kannushi portent une tenue intégralement blanche en signe de pureté.

Miko en tenue classique à droite et en tenue cérémonielle à gauche

Miko : Au sein des sanctuaires shinto, elles assistent les prêtres dans leurs travaux quotidiens : de l’entretien du lieu aux rituels. Ce sont souvent elles qui accueillent les visiteurs et tiennent le shamusho, le bureau du temple où l’on peut acheter différents objets. A l’origine la miko était une sorte de chamane : une femme qui entrait en transe, qui rapportait des prophéties voire même la parole des dieux. Aujourd’hui, elles sont les gardiennes du sanctuaire et réalisent différentes danses cérémonielles, participent à de nombreux rituels… Parfois, ce sont des filles de prêtre mais la plupart aujourd’hui sont bénévoles ou employées à temps partiel par un temple. Impérativement vierges, ces jeunes femmes quittent leur position au sein du sanctuaire quand elles se marient.

Habillée d’un hakama rouge écarlate – le hibikama – et d’un haut de kimono à manches larges – le chihaya -, elles portent également une épingle à cheveux souvent ornées de motifs floraux.

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